Les sanctions prononcées par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) à l’encontre des journaux privés (Liberté et Tampa Express) n’est pas du goût d’un collectif de mouvements et associations de la société civile. Ainsi, à travers un communiqué rendu public le 05 février 2023, ce collectif dénonce des comportements liberticides, un bâillonnement de la presse et des sanctions disproportionnées de la HAAC. Ce regroupement, tout en invitant les médias à plus de rigueur et de professionnalisme, invite la HAAC à être plus un organe de régulation, de conciliation, de rappel à l’ordre et non un organe de représailles.
Lisez plutôt l’intégralité du communiqué
MOUVEMENTS ET ASSOCIATIONS :
ALCADES – ASVITTO – GAGL – GCD – GLOB – FDP– LCT – LTDH – MCM – MJS – SEET
DÉCLARATION
N°1 du 05 février 2023
Suspensions tous azimuts des journaux au Togo ; les Organisations de la société civile s’insurgent contre le comportement liberticide et anticonstitutionnel de la HAAC, condamnent le bâillonnement à répétition dont fait l’objet la presse privée et exigent l’ouverture d’une enquête sur le meurtre de monsieur Yaovi ADAKANOU
1-Le mercredi, 1er février 2023, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication a procédé à la suspension de trois (03) mois de parution à compter du 02 février 2023, le bimensuel « Tampa Express » et le quotidien « Liberté », le premier pour manquements aux règles professionnelles, le second en application d’une décision de justice sur une plainte de madame Victoire S. TOMEGAH-DOGBE, Première Ministre du Togo. Il n’est pas surabondant de rappeler que dans le cas de « Tampa Express », la HAAC est passée à la sanction extrême sans aucun rappel à l’ordre, et que pour le quotidien « Liberté », cet organe de presse, après s’être réalisé de la méprise, a, non seulement procédé à la rectification, mais encore et surtout, présenté des excuses publiques à la Première Ministre.
2-Le même jour, monsieur Zeus Komi AZIADOUVO, Membre de la HAAC, Président du Comité technique Presse Écrite, a envoyé un courrier au président de cette instance, lui indiquant qu’il marque sa dissidence au regard des décisions prises, et démissionne de sa qualité de membre de la HAAC. Monsieur Zeus Komi AZIADOUVO motive ses récusations et sa démission en relevant que : « Les décisions que nous avons prises ce jour, nous éloignent de notre première mission qui est de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse. En outre, nous hypothéquons notre indépendance en cédant aux desiderata des groupes de pression politiques dont l’agenda est d’imposer la loi du silence. Nous sommes même allés jusqu’à remettre en cause ce que nous faisons en tant qu’institution constitutionnelle de régulation ».
3-Le fait n’est pas nouveau. En effet, dans une lettre en date du 8 février 2021 adressée au président de la HAAC, suite à la sanction que cette institution avait prononcée contre le bimensuel L’Alternative, Monsieur Zeus Komi AZIADOUVO indiquait que : « Monsieur le Président, en prenant cette décision, nous avons tout simplement fait la volonté de Me Koffi TSOLENYANU et son conseil qui demandaient à l’instance de régulation des médias d’appliquer au journal « la loi dans toute sa rigueur ». De fait, nous avons agi en violation du premier article de notre loi organique qui dispose : « La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, ci-après dénommée la HAAC, est une institution indépendante vis-à-vis des autorités administratives, de tout pouvoir politique, de tout parti politique, de toute association et de tout groupe de pression ».
4-Dans un passé récent, des journaux écrits de la presse privée ont été systématiquement suspendus, d’autres définitivement interdits de parution, avec retrait, à leurs directeurs de publication, de leur récépissé de déclaration de parution et de leur carte de presse. En outre, des journalistes ont été arrêtés et emprisonnés, puis placés sous contrôle judiciaire, sur des plaintes des autorités gouvernementales. Les cas des journaux Liberté, L’Alternative, Fraternité, The Guardian, La Nouvelle, L’Indépendant Express, La Symphonie… sont encore gravés dans les mémoires.
5-Tout en encourageant les professionnels de médias et les organes de presse à plus de professionnalisme et de rigueur, nos Organisations s’insurgent contre ce comportement liberticide de la HAAC et condamnent ce bâillonnement et ce musellement à répétition dont fait l’objet la presse privée au Togo.
6-Tout aussi surprenant, voire révoltant, est de relever que, pour ce qui est du quotidien Liberté, les autorités gouvernementales sont restées indifférentes, insensibles et insouciantes à la nécessité de rechercher les auteurs de l’acte criminel, à la limite crapuleux, qui a fait l’objet de l’article incriminé. En effet, des témoignages ont effectivement fait état de l’existence très apparente des impactes de balles sur le corps de la victime, Yaovi ADAKANOU, alias Djoski, âgé d’une quarantaine d’années, froidement abattu le 19 septembre 2022, sur la voie qui mène à Tchékpo dans la préfecture de Yoto. Et qu’en lieu et place de l’ouverture d’une enquête indépendante en vue de la manifestation de la vérité et éclairer l’opinion, c’est la persécution des journalistes pour faire obstruction à la lumière et couvrir les auteurs du crime. Cette attitude n’est qu’une caution à l’impunité.
7-Nos organisations tiennent à rappeler qu’aucune société démocratique ne peut se concevoir sans une presse effectivement libre, et invite la HAAC, qui est chargée de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de de communication de masse, à privilégier les mesures alternatives aux suspensions, tels que la conciliation, le démenti, le rectificatif, le droit de réponse, la mise en garde ou le rappel à l’ordre ; car il peut avoir des erreurs d’appréciation et des méprises dans la collecte et le recoupement des informations, comme c’est précisément le cas du quotidien Liberté en l’espèce.
8-De plus, selon les dispositions de l’article 26 de Constitution togolaise du 14 octobre 1992, « La liberté de presse est reconnue et garantie par l’État. Elle est protégée par la loi. Toute personne a la liberté d’exprimer et de diffuser, par parole, écrit ou tous autres moyens, ses opinions ou les informations qu’elle détient dans le respect des limites définies par la loi. La presse ne peut être assujettie à l’autorisation préalable, au cautionnement, à la censure ou à d’autres entraves. L’interdiction de diffusion de toute publication ne peut être prononcée qu’en vertu d’une décision de justice ».
9-Les mesures de suspension habituellement prononcées par la HAAC, qui n’est pas une instance juridictionnelle, étant équipollentes à des interdictions de publications, et par ricochet de diffusions, sont anticonstitutionnelles, et il convient d’y mettre rapidement un terme et de lever immédiatement celles déjà prononcées.
10-Enfin, nos Organisations exigent l’ouverture, sans délai, d’une enquête indépendante et impartiale sur le meurtre de Monsieur Yaovi ADAKANOU, alias Djoski, révélé par le quotidien Liberté, afin de situer l’opinion et de punir les présumés auteurs conformément aux textes en vigueur.
Pour les Organisations,
Le Président de l’ASVITTO,
Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO.
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